Archives des savoirs: problèmes et enjeux Archives of knowledge : problems and issues

Colloque international :
Archives des savoirs: problèmes et enjeux
Archives of knowledge : problems and issues
Depuis quelques années, les archives sont au centre de débats, de controverses et de
préoccupations diverses qui ont largement débordé les milieux patrimoniaux et historiques.
Signe paradoxal de cette centralité : la singularisation du mot. On parle plus volontiers
aujourd'hui de l'archive que des archives. Manière de contourner ou de conjurer
l'institution, le lieu et le dépôt, au profit d'une extension sémantique qui vise des supports,
des contenus et des usages qui se sont diversifiés. Tout devient archive et l'archive paraît
ainsi retrouver son sens matériel et ontologique pour désigner l'origine, le commencement,
le primitif, le matériau brut.
Dans un moment de conversion numérique irréversible, l'archive se confronte à la fragilité
des supports. Parce que l'archive est incertaine, archiver devient une obsession de notre
temps. Enjeu d'un avenir problématique, l'archive n'est plus seulement une trace, un
vestige, une relique, mais l’expression d'une consignation, d'une conservation et d'une
préservation de notre présent.
Du Moyen Âge au XXIe siècle, qu'en est-il des archives des savoirs et plus particulièrement
des archives de la recherche scientifique toutes disciplines confondues ? La mise en forme
du savoir ne contribue-t-elle pas précisément à une mise à l'écart, à un effacement
systématique des traces ? L'archive serait ici le brouillon, la rature, ou alors le reste, la
scorie qui a échappé ou résisté à la mise au propre, à l'écriture, à la réduction à la formule.
Pourtant les traces du processus même de la recherche constituent une manière de
déconstruire des certitudes, de comprendre comment une idée s’est esquissée, comment
des connaissances nouvelles se sont élaborées.
Par ailleurs, la marginalisation de l'archive n'a pas nécessairement entravé la mise en forme
mémorielle des savoirs. L'archive peut ainsi devenir en soi un trésor, une relique, ou plus
prosaïquement une ressource supplémentaire, le prolongement d'une leçon, d'une
transmission, ou encore un lieu de mémoire.
Oscillant entre archéologie, mémoire et commémoration, la relation de l'archive avec les
savoirs paraît complexe. Dans un moment de transformation rapide des savoirs, de
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l'obsolescence accélérée des supports, il importe d'interroger ce lien. Les archives sont
génériquement publiques et collectives, produites par des institutions ou des organisations.
Les savoirs qui ne se réduisent pas à une activité administrative sont aussi le produit de
processus de créations et de conceptions personnelles et collectives.
De source classique de l'histoire, l'archive est devenue aussi un lieu d'exploration,
d’interrogations originales mais aussi de nouvelles recherches. L'archive des savoirs ouvre
dès lors d'autres perspectives pour les praticiens des savoirs : elle n'est pas seulement
source pour une histoire des pratiques mais également un élément, un ensemble de
données, de documents pour la mise en oeuvre de ces pratiques elles-mêmes, de leur
dépassement.
Dans le but de reprendre les questions même les plus simples en apparence, ce colloque
international se propose d’approfondir cette problématique à partir des trois registres
d'interrogations suivants :
Archives des savoirs, savoirs de l'archive
Que sont les archives des savoirs ? S'agit-il seulement des brouillons ou des restes de la
production scientifique ? Quelle est la spécificité de cette archive ? Comment les
producteurs de savoirs et les institutions dans lesquelles ils oeuvrent, se positionnent-ils à
l’égard de leurs archives ? Quelles sont les stratégies de collectes et de conservation? Quels
savoirs spécifiques s'élaborent à partir et dans l'archive ? Comment se distribue la relation
inégale des savoirs face à l'archive ?
De quelle accumulation l’archive est-elle le signe ? Pourquoi, pour quoi et pour qui
conserve-t-on les archives des savoirs ? Symétriquement, de quels savoirs l’archive relève-telle
et quelles sont les incidences des transformations des savoirs sur l'archive ? Comment
le numérique transforme-t-il l'archive ?
Archives personnelles, archives collectives
Qu'en est-il précisément de la tension entre archives des personnes et des groupes ? Quelles
sont les clés de l'articulation entre sphère privée et sphère publique, dimension individuelle
et dimension collective ? A qui « appartiennent » les archives produites par les chercheurs ?
Comment s'établissent les fonds personnels ? Comment se définissent précisément les
archives collectives des savoirs ? Quelles en sont les configurations organisatrices et les
dimensions politiques sous-jacentes ?
Dans quelle mesure la construction disciplinaire est-elle un cadre structurant ? Comment
s'articule le lien entre archives institutionnelles (les lieux des savoirs, notamment
l'université, les laboratoires, etc.) et les archives des disciplines ? Pour prolonger la
réflexion, quels sont les enjeux entre archives institutionnelles et archives disciplinaires
dans les Archives ouvertes (Open archive) ?
Usages de l'archive
De quelles archives a besoin l'histoire des savoirs ? Quelle histoire les archives des savoirs
telles qu'elles ont été diversement conservées permet-elle d'écrire ?
De quelles manières cette ressource potentielle est-elle sollicitée dans les diverses
pratiques de savoir ? Comment les archives peuvent-elles être utilisées dans la mise en
oeuvre de nouvelles formes de savoir, dans la documentation de nouvelles questions, de
nouvelles problématiques ? Quels rapports de pouvoir se dévoilent dans la manière dont
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individus et institutions convoquent, interprètent, valorisent ou délaissent les archives des
savoirs ? De quels savoirs enfin les archives sont-elles elles-mêmes l’enjeu ?
Telles sont quelques-unes des questions que nous souhaitons développer à l'occasion du
colloque international qui réunira des chercheurs, des historiens et des archivistes, à
Genève, du 19 au 21 juin 2014.
Les personnes intéressées à présenter une communication dans le cadre de ce colloque sont
invitées à nous adresser un titre, un bref résumé de leur contribution (ca. 300 mots), en
précisant leur fonction ainsi que leur affiliation institutionnelle, en anglais ou en français,
jusqu'au 31 octobre 2013.
Comité scientifique et comité d’organisation*:
Jean-François Bert*
Faculté de théologie et de science des religions, Institut religion, culture, modernité, UNIL
Françoise Briegel*
Maison de l’histoire, UNIGE
Yann Decorzant*
Faculté des sciences économiques et sociales, Institut d’histoire économique Paul Bairoch, UNIGE
Antoine Fleury*
Faculté des lettres, UNIGE
Michel Grandjean*
Faculté de théologie, direction de la Maison de l’histoire, UNIGE
Rita Hofstetter*
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Archives Institut Jean-Jacques Rousseau, UNIGE
Bertrand Müller*
Faculté des lettres, UNIGE, CNRS
Philip Rieder*
Faculté des lettres, Maison de l’histoire, UNIGE
Dominique Torrione-Vouilloz*
Archives de l’UNIGE
Sonia Vernhes Rappaz*
Faculté des lettres, Maison de l’histoire, UNIGE
Contacts :
Sonia Vernhes Rappaz, Sonia.VernhesRappaz@unige.ch